LA BATTERIE-FANFARE …
en quelques mots …
S’il est clair que l’orchestre de batterie-fanfare que nous connaissons aujourd’hui est issu de la fusion entre les « fanfares Mib » et les « batteries » (ensembles clairons/tambours des harmonies-fanfares), il n’en est pas moins très difficile d’en connaître la date réelle de création, et ceci malgré la jeunesse de cet ensemble. Les diverses informations récoltées nous permettent malgré tout d’affirmer que la batterie-fanfare, quoique historiquement rattachée au monde militaire, a connu son développement originel dans le monde civil amateur, très certainement au sortir de la 1ère guerre mondiale. Le manque de précisions concernant la période de rapprochement des divers instruments de la batterie-fanfare n’enlève rien à l’existence historique de ses deux composantes, comme indiqué ci-après.
Les FANFARES de TROMPETTES ou ENSEMBLES MI bémol :
Elles trouvent leurs origines dans la cavalerie mais également dans les corps de trompettes de cours ou de villes, et regroupent des Trompettes Mib, Cors Mib agrémentés au XXe siècle (env. 1930) de Trompettes-Basses Mib, Trompettes-Contrebasses Mib (instrument sans système qui fut progressivement « effacé » par les Contrebasses Mib à pistons), auxquels on associe une percussion en général composée de Caisses-Claires (plutôt que des tambours), timbales, grosse-caisse, cymbales. Cet ensemble d’origine essentiellement militaire a été largement copié dans les formations civiles et représente un élément essentiel du développement de la pratique amateur du XIXe et du début du XXe siècle. Son répertoire était (et demeure) très riche, puisant ses sources dans les célèbres compositions de LULLY (1632-1687), HAENDEL (1685-1759), CHARPENTIER (1634-1704) ou bien encore BACH (1685-1750) et auparavant (moins célèbres mais très influents dans l’histoire de la trompette en particulier) BENDINELLI et FANTINI (XVIIe).
S’il fallait citer en exemple une formation de ce genre, la plus célèbre serait certainement la Garde Républicaine de PARIS, à l’origine Garde Municipale de PARIS (1802), formation à laquelle il faut associer des noms de trompettes-majors qui nous ont laissé de nombreuses œuvres : PRODHOMME, PONSEN, GOSSEZ.
L’ensemble de trompettes (et cors) était également très largement utilisé en compagnie de l’harmonie-fanfare (ce que l’on appelle plus communément la « Musique »), le plus fréquemment en alternance avec celle-ci, tout d’abord pour des marches militaires (ou para-militaires), puis pour des fantaisies. Ce type de compositions n’est d’ailleurs pas récent puisque David BUHL (1781-1860) écrivait déjà dans cette formule, qui perdure et qui a connu un grand succès au début du XXe siècle.
Plus récemment, certains spécialistes ont ouvert le répertoire de ces ensembles aux fantaisies, grâce à des compositions originales qui impliquent bien souvent d’étoffer le pupitre de percussion par des claviers et accessoires divers. Citons en particulier parmi les compositeurs du genre les plus marquants de cette fin de siècle : Guy LUYPAERTS ou plus récemment André SOUPLET (Ex Trompette Major de la Fanfare de Cavalerie du 501e R.C.C. de RAMBOUILLET).
Les Fanfares Mib, contrairement aux ensembles de Clairons, ne sont pas forcément une étape vers la Batterie-Fanfare, elles représentent souvent une fin en soi. Au risque d’apparaître simpliste, nous pouvons ajouter qu’elles véhiculent cependant une identité et un répertoire essentiellement traditionnels.
Les FORMATIONS de CLAIRONS ou ENSEMBLES SI bémol :
La plus célèbre formule de ce type de formation est composée uniquement de clairons et de tambours, c’est celle que nous connaissons sous l’appellation « BATTERIE » dans les orchestres militaires ou paramilitaires, parfois plus péjorativement rebaptisée « CLIQUE ». L’origine de cet ensemble est quasi exclusivement militaire, ses instruments ayant place dans l’infanterie depuis la première moitié du XIXe siècle (1821). Il ne faut cependant pas omettre de souligner leur utilisation dans les corps de sapeurs pompiers où là aussi, ils avaient un rôle de transmission des signaux, organisé depuis longtemps pour les besoins de la profession.
Les Tambours et Clairons ont été agrémentés du pupitre « basique » de percussion (grosse-caisse, cymbales), de Clairons-Basses (dont il est difficile de fixer l’origine et la date de création : existaient-ils déjà au XVe siècle – le trombone date d’environ 1450 – ou bien sont-ils apparus bien plus tard au même titre que la Trompette-Basse ? ?), introduits à la Musique de la Garde Républicaine vers 1918/20 par Gabriel DEFRANCE (1878-1952), Tambour-Major qui su également s’investir dans le milieu amateur, mais dont nous ne développerons pas ici l’activité puisque l’ajout de systèmes sur les instruments nous éloigne de notre formation (clairons et basses à 1 puis 2 pistons …) ; puis de Contrebasses.
Comme pour les ensembles Mib, la « BATTERIE » était et est utilisée dans les harmonies-fanfares, en alternance mélodique dans les pas-redoublés. Ce répertoire, traditionnel, est toujours interprété aujourd’hui par les musiques militaires et civiles.
L’ensemble SI bémol s’est étendu au milieu amateur dans une version « autonome », mais il est alors défini beaucoup moins précisément que son homologue MI bémol, certainement parce qu’il ne représente la plupart du temps qu’une étape vers la création d’une batterie-fanfare (dans l’attente de moyens humains ou financiers !), c’est pourquoi il existe toutes sortes de compositions dans des formules très diverses :
L’ensemble constitué de clairons et tambours était très fréquent au début de ce siècle et l’on peut d’ailleurs trouver de nombreuses partitions mais aussi des photographies pour en témoigner, comme le célèbre cliché de la « clique » menée par le curé ou l’instituteur du village !
Les quelques ensembles existants, qui souhaitent demeurer « Formation SI bémol » sont en général constitués de Clairons, Clairons-Basses, Contrebasse, Tambours et percussions ; formule qui serait d’ailleurs la plus logique eu égard à l’appellation du groupe.
Le répertoire de ce type de formation demeure traditionnel, essentiellement composé de marches, avec quelques fantaisies. La plupart des œuvres datent de la première moitié de ce siècle, et rares sont les auteurs qui s’intéressent encore à ce type de formations – il faut avouer qu’il est très difficile de créer une pièce originale quand vous ne disposez que de 4 à 5 notes ! Il n’en demeure pas moins qu’il existe de nombreuses compositions d’un niveau technique très poussé.
La BATTERIE-FANFARE :
Comme annoncé dans le préambule, il semble très difficile de fixer une date précise de création de la batterie-fanfare telle que nous la concevons aujourd’hui, à savoir un ensemble constitué de :
Le premier ensemble professionnel de la sorte est celui de la Musique de l’Air de PARIS, créé en 1936. C’est hélas le seul repère temporel qu’il nous soit possible de fixer « officiellement ». Il est vrai qu’il est beaucoup plus difficile de trouver des « sources » sures d’information dans le monde civil, alors que les archives militaires sont elles imparables.
Mais cette carence en information sur l’origine exacte de la batterie-fanfare n’est pas si importante, car c’est en fait au sein de la Musique de l’Air précédemment citée que va se jouer le devenir de l’ensemble que nous connaissons aujourd’hui.
En effet, c’est à la Musique de l’Air de Paris que toute l’alchimie créatrice de la batterie-fanfare nouvelle formule va s’effectuer, et ceci grâce à la perspicacité du tambour-major de cette formation : Robert GOUTE. Jacques DEVOGEL, alors Chef de cette formation, s’intéressa à ce tout jeune orchestre, inscrivant désormais son répertoire dans la « musique légère », dans la fantaisie. Et si aujourd’hui, les œuvres de l’époque nous paraissent désuètes, elles représentent pourtant une réelle révolution dans la conception de l’écriture pour nos instruments naturels. Les alternances Sib/Mib passent petit à petit de phrases complètes à mesures pour aboutir à une écriture mélodique « globale », par familles d’instruments. Cette nouvelle approche intéresse d’ailleurs (toujours sous l’impulsion de R. GOUTE) des compositeurs totalement extérieurs à notre milieu : Guy LUYPAERTS (qui compose également pour BF+Harmonie), Laurent DELBECQ, Roger FAYEULLE (Directeur Orchestre de Scène de l’Opéra de Paris) dont les pièces demeurent d’une qualité remarquable et incontestable … S’en suivent les tous premiers enregistrements bien évidemment réalisés par les seuls ensembles professionnels existants, donc militaires (Air, Gardiens de la Paix, Police Nationale …), ce qui n’empêche pas les amateurs civils de développer largement ce genre, mais sans la couverture médiatique.
Le développement du phénomène batterie-fanfare, et l’enrichissement du répertoire vont entraîner une recherche de formation individuelle des musiciens. Jusqu’alors en effet, l’enseignement diffusé était quasi exclusivement empirique, avec les difficultés (et les dangers) que cela suppose. C’est particulièrement à ce niveau que le fédéralisme va jouer un rôle important. Au sein des grandes fédérations se créent progressivement des plans de formation individuelle, mais aussi des examens, palliant ainsi le défaut d’enseignement « officiel » de nos instruments. Des spécialistes se déplacent, en véritables « équipes » de démonstrateurs, pour transmettre leurs connaissances dans les diverses régions. Nous retrouvons bien sûr Robert GOUTE pour le tambour, Bernard JUSSERAND pour le clairon et le cor, Marcel POIRRIER pour les basses, également Lucien VERNIER, Pierre BREARD … C’est aussi l’apparition de méthodes instrumentales et solfégiques spécialement conçues pour notre pratique. Il faut d’ailleurs avouer qu’elles ne se sont guère renouvelées depuis, si ce n’est pour le tambour.
Tout ceci ne pouvait qu’entraîner la progression qualitative de nos ensembles professionnels et amateurs, qui abordent un répertoire toujours plus riche et intéressant, s’ouvrant sur la variété et suivant les modes et tendances successives. L’écriture pour batterie-fanfare poursuivait également son évolution, avec l’apparition de compositeurs « nouvelle génération » : André BROUET, Franck ANDRE, Manuel BERNAL, Patrick POUTOIRE … (la liste pourrait être très longue) pour, plus récemment, s’orienter vers des compositeurs totalement extérieurs à notre milieu : Marc et Franck STECKAR, Pablo CUECO …
Le répertoire et la qualité d’exécution ne cessent depuis leur évolution, entraînant également certaines modifications dans le parc instrumental de nos orchestres. Ainsi, la facture générale de nos instruments est régulièrement améliorée, pour le confort d’instrumentistes toujours plus exigeants, mais aussi pour une meilleure justesse et une qualité sonore croissante. Cette évolution passe également par la réapparition de certains instruments « oubliés » comme la Trompette Alto, réintroduite par André SOUPLET dans les années 80 et qui depuis a vu sa facture entièrement remodelée pour être commercialisée sous le nom de « bugle naturel ». Plus récemment, certaines formations (Troupes de Marine, Police Nationale …) se sont dotées d’instruments d’autres tonalités (utilisés par le passé) : clairon en LA, trompette en RE … devant l’apparition de compositions allant dans ce sens. Une autre tendance, qui nous approche encore plus du répertoire de variété, amène certains compositeurs à utiliser (ponctuellement) des instruments extérieurs : guitare, piano, guitare basse …
Remerciements à M. Robert GOUTE pour ses précieux conseils et ses corrections.